Un travail de recherche appliquée étudie l'action du vent sur le système littoral du Roussillon

Le travail de doctorat mené par Camille René (sous la direction de Nicolas Robin (CEFREM-UPVD) et Hugues Heurtefeux (EID-Med) porte sur les conditions favorables au transport sédimentaire éolien et la résilience du système dune-plage.

 

 

 

Cette thèse est entièrement financée par l’ensemble des partenaires de l’ObsCat, dans le cadre des conventions du cycle 4 (2023-2025), qui portent un intérêt à combler cette lacune de connaissance sur notre territoire. En effet, le vent majoritaire en Occitanie vient de la terre (Tramontane). Il souffle plus de 50% du temps à des vitesses supérieures à 20 Km/h. Pourtant, l’influence de ce processus éolien et son transport sédimentaire associé sur le système dune-plage est encore aujourd’hui mal connu localement.

Caractériser les conditions de vent

Au préalable, des travaux avaient permis de définir le fonctionnement du transport sédimentaire pendant les épisodes de tramontane, notamment les zones source (là où le sable est remis en mouvement) et les puits (là où le sable s’accumule). Les chercheurs du Cefrem (P. Feyssat, A. Lamy, N. Robin) ont détecté une érosion significative en période de tramontane. Sur la plage, le flux sédimentaire dirigé vers la mer peut atteindre 550 Kg/m2/h sur le site de Leucate par exemple. Ce flux engendre une avancée du trait de côte de plusieurs mètres, la plage émergée s’élargit mais s’abaisse car une grande partie du volume de sédiment est temporairement perdue dans les petits fonds marins. Ainsi, l’objectif général du travail de Camille René est d’estimer l’impact du processus éolien sur ces volumes de sédiment déplacés sur 4 sites répartis de l’ObsCat. Il servira à alimenter des actions concrètes pour améliorer la résilience du stock de sable face aux vents.

La première phase de travail portait sur l’analyse statistique de l’évolution des conditions de vent et s’est achevée en 2024.

L’étude d’une série de données entre 1995 et 2023 à différente échelles spatiales (cf. schéma ci-dessus) fait ressortir des tendances nettes.

Elle montre qu’il y a globalement une diminution du temps d’action des vents, que la tramontane est de moins en moins forte et les épisodes violents en diminution. Par ailleurs, il est observé que la tramontane fonctionne par épisodes cycliques de 2 ou 3 ans et que les données du Cap Leucate sont plus représentatives des conditions de vent retrouvées sur la zone d’étude (de Leucate à Argeles) que celles provenant du Cap Bear.

On peut supposer que cette tendance d’évolution engendre moins d’apports momentanés de sable vers les petits fonds marins ce qui pourrait donner plus de poids à la contribution de vent marin sur la morphologie de la dune. 

Comprendre les fonctionnements par des campagnes de terrain

Les instrumentations de terrain réalisées en 2024 et poursuivies en 2025 concernent les sites de Leucate Mouret, Le Barcarès Mas de l’Isle, Canet lido, Argelès Marenda. Elles consistent à étudier les caractéristiques d’une diversité de paramètres (cf. schéma ci-dessous) pouvant influencer le transport du sable par le vent.

Pendant les épisodes significatifs de tramontane, l’équipe du Cefrem déploie sur le terrain une diversité d’outils pour récolter les données. Il s’agit notamment d’anémomètres (instruments pour mesurer la vitesse et l’orientation du vent) et de piège à sédiment. Ces « chaussettes » sont fixées sur des mats disposés le long d’un profil instrumenté (ligne le long de laquelle on place des instruments de mesure) entre l’arrière dune et le trait de côte. 

 

Ainsi, les chercheurs récoltent le sable transporté à différents points du système dune-plage et à différentes altitudes. En parallèle, des relevés topographiques sont réalisés et des échantillons de surface sont prélevés à plusieurs reprises durant les campagnes afin de suivre l’évolution morphologique et granulométrique de la plage.

Ensuite, au laboratoire, ces données seront analysées, interprétées et mises en perspective avec des informations connexes (relief, végétation, conditions météorologiques, etc.).

Il convient de rappeler ici que le sable ne « vole » pas, il est transporté par charriage (contact continu avec le sol), saltation (rebonds successifs sur le sol) et/ou par suspension (déplacement sans contact avec le sol). cf. schéma ci-contre.

 

Sur le « site atelier » de Canet défini par la présence d’une brèche dunaire, il est déjà possible d’avancer quelques enseignements. Le pied de dune/milieu de plage sont des « zones sources » et la berme/petits fonds marins sont des « zones puits ». Un lien étroit existe entre la topographie et le comportement du vent au niveau de cette brèche. Le vent tend à s’accélérer sur les crêtes et dans l’axe de la brèche, tandis qu’il ralentit derrière les pentes. Malgré un environnement dominé par les vents de terre, ce sont les vents marins qui génèrent les taux de transport sédimentaire les plus significatifs, impactant principalement la morphologie de cette brèche. Ci-dessous la schématisation de ces fonctionnement par vent tramontane à gauche et par vent marin à droite. 

Améliorer les modes de gestion fondés sur la nature

Ce travail de recherche est qualifié d’« appliqué » car il poursuit un objectif opérationnel prévu dans la mission d’aide à la décision des collectivités par l’ObsCat. 

Actuellement, la stratégie face à l’action du vent et son transport sédimentaire repose sur l’installation de ganivelles sur le pied de dune et/ou sous la forme de casiers de piégeage en ganivelles au sein du cordon dunaire. Bien que cette approche soit efficace pour canaliser le trajet des usagers et piéger du sédiment, il s’adapte principalement aux conditions de vent de mer, affectant 27% du temps le littoral. Dans un contexte de changement climatique, toutes les initiatives innovantes sont bénéfiques pour adapter la gestion des plages et des dunes associées.

 

Jusqu’en 2026, le travail de Camille René s’attachera à interpréter les données récoltées pour enrichir les réflexions engagées par les gestionnaires en matière de restauration des milieux littoraux. Il contribuera ainsi à améliorer les stratégies de gestion de la bande côtière et sa résilience par des mesures souples.