l'ObsCat a organisé un séminaire dédié aux modes de gestion du littoral

Le séminaire de l'ObsCat et du Plan Littoral 21 a réuni une soixantaine de personnes le lundi 18 septembre 2023 à l'hôtel d'agglomération de Perpignan Méditerranée Métropole. L'objectif de cette rencontre était de faire des retours d'expériences précis en matière de gestion des risques côtiers et d'adaptation aux effets du changement climatique. 

 

 

Ce séminaire a été introduit par Edmond Jorda, conseiller communautaire délégué au littoral à Perpignan Méditerranée Métropole, également élu référent ObsCat pour toute l'unité sédimentaire. Emond Jorda a rappelé le contexte de cet évènement : les élus de l’ObsCat ont souhaité disposer d'un panorama de méthodes et réflexions en matière de gestion des risques côtiers, appliqués à la Méditerranée. Lors du précédent cycle ObsCat, l’EID-Méditerranée, l’un des experts référent en matière de gestion du littoral, a réalisé une étude spécifique sur le sujet. Pour la valoriser, cette journée a été organisée en collaboration avec le Plan Littoral 21. 

Christophe Manas, Conseiller régional et Président de la commission Méditerranée à la Région Occitanie Pyrénées Méditerranée, a complété le propos introductif. Lors des ateliers de co-construction du "plan d’action régional pour l’adaptation du littoral au changement climatique" du Plan Littoral 21, les acteurs du littoral d'Occitanie ont souhaité bénéficier de retours d'expérience en matière de gestion. Il a précisé que ces sujets préoccupent les gestionnaires à long terme mais également à court terme. En effet, dans le processus d’adaptation à développer à l’échelle des territoires, même s’il est primordial d’anticiper l’avenir et de s’y préparer, il est également important de ne pas négliger le présent.

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Un exposé scientifique a été présenté par Hugues Heurtefeux, en charge du pôle littoral de l'EID-Méditerranée

L'exercice consistait à étudier et comparer les différents modes de gestion mis en oeuvre sur le littoral méditerranéen. Après avoir rappelé le contexte du changement climatique sur le littoral méditerranéen, il a défini les notions d'"érosion côtière", de "mode de gestion", de "méthodes douces ou réversibles", de "méthodes dures ou lourdes". Onze sites ont été étudiés dans ce rapport selon cinq grands modes de gestion :

  • renaturation : transformation d’un paysage urbanisé ou semi-urbanisé vers un fonctionnement naturel ;
  • recul stratégique d’enjeux vulnérables : déplacement d’infrastructures (routes, parking,…) vers les terres afin de redonner de l’espace au système dunaire et mieux appréhender les tempêtes ;
  • travaux de gestion durable de plage : systèmes innovants permettant de conserver une quantité de sable suffisante au bon fonctionnement de la plage ;
  • utilisation conjointe de méthodes "douces" et "dures" : ouvrages type épis, brise lames souvent associés à des rechargements.

Deux exemples caractéristiques ont été présentés :

  • La Pletera à L’Estartit (Catalogne, Espagne) : suspension d’un projet immobilier en front de mer, restauration des zones humides et aménagement d’un espace de sensibilisation ;
  • La Baie de Giardini (Naxos, Italie) : rechargement et protection sous-marine de la baie.

Un temps de réflexion autour de la notion d'adaptation et de mal-adaptation a permis de répondre aux questions du public. 

Les discussions ont mis en évidence le besoin d'échanges transfrontaliers, avec la Generalitat de Catalunya notamment, et l'importance des retours d'expériences méditerranéens car les fonctionnements y sont particuliers. 

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Pour introduire la seconde partie de matinée, Alexandre Richard (Région Occitanie) et Provence Lanzellotti (Aurca) ont exposé le contexte des projets présentés au sein de la table ronde qui a suivi. Il s'agit de revenir sur les grandes étapes qui ont marqué la mise en valeur du littoral d'Occitanie :

  • La Mission Racine, des années 1960 et 1970, a contribué à développer un outil touristique autour de stations balnéaires et de ports de plaisance. Ces aménagements ont été protégés de manière massive, très souvent à l'aide d’ouvrages en enrochements qui ont aggravé localement les risques littoraux.
  • Suite à ce constat, la Mission Interministérielle d’Aménagement du Littoral (MIAL) des années 2000 a permis d’identifier les secteurs les plus vulnérables, et donc prioritaires à protéger ou  re-aménager. Cette démarche a impulsé le lancement d’études stratégiques à l’origine des principaux travaux de mise en valeur des plages menés jusqu'en 2020. Elles mettent l'accent sur les restaurations des milieux littoraux. 
  • En parallèle, le contexte national évolue avec un déclencheur : “Xynthia” en 2010. La Stratégie Nationale de Gestion Intégrée du Trait de Côte préconise des principes déjà mis en œuvre pendant la MIAL. Sur les zones sensibles, au-delà des solutions de protection lourde ou fondées sur la nature, on parle alors de “relocalisation des activités et des biens”.
  • En 2018, la compétence GEMAPI est créée ; elle confie aux EPCI la gestion des risques littoraux, en cohérence avec leurs compétences liées au SCOT et en adéquation avec le SRADDET. L’Etat incite les Régions à se placer comme chefs de file sur ces questions dites de "recomposition spatiale", le Plan Littoral 21 en Occitanie joue ce rôle.
  • Aujourd'hui, le Plan Littoral 21 propose des actions pour adapter le littoral d'Occitanie aux effets du changement climatique en concertation avec les gestionnaires des territoires littoraux. Il s'agit de repenser l’aménagement du littoral face au changement climatique en intégrant les problématiques environnementales et socio-économiques. Au-delà de retarder l’inévitable, il est nécessaire de trouver des solutions d’adaptation progressives d’occupation du littoral et des modèles économiques actuels, notamment pour le secteur du tourisme balnéaire.

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La table ronde a permis de réunir trois intervenants travaillant en collectivité littorale :

  • Céline Fajon-Herviou, directrice de l’environnement à Perpignan Méditerranée Métropole. PMM compte 36 communes dont 4 communes littorales, Canet en Roussillon, Sainte-Marie-la-Mer, Torreilles et Le Barcarès. Cela représente 22 km inclus dans l’unité sédimentaire du Roussillon. 
  • Sophie Drai, directrice de l’environnement à Communauté de Communes Hérault Méditerranée. La CAHM compte 20 communes dont 3 communes littorales, Portiragnes, Vias et Agde. Cela représente 15 km inclus dans l’unité sédimentaire de l’Ouest Hérault. 
  • Yvon Iziquel, chef de projet "adaptation au changement climatique et recomposition spatiale" à Sète Agglopole Méditerranée. SAM compte 14 communes dont 4 communes littorales, Marseillan, Sète, Frontignan et Vic-la-Gardiole. Cela représente 25 km inclus dans l’unité sédimentaire du bassin de Thau. 

Ce qu'il faut retenir d'abord, en amont des projets :

À Sète et à Frontignan, la Mission Littoral des années 2000 a permis de mener des études stratégiques et de définir des plans directeurs à mettre en oeuvre sur des sites sensibles à court terme.

A Vias, une étude stratégique issue de la MIAL est également mise en oeuvre pour un plan directeur à court terme. Mais, en 2012, la réfléxion à long terme s'engage. Le territoire est lauréat d'un appel à projets pour intégrer les 5 sites pilotes à l'échelle nationale et mener la relocalisation des activités et des biens. En Roussillon, PMM a pris la compétences "GIZC" dès 2006 mais les schémas proposés n'étaient pas suffisament solides scientifiquement. Ainsi, l'ObsCat est créé en 2013 pour développer la connaissance et l'aide à la décision.

Ensuite, viennent les phases opérationnelles :

À Vias, la concertation autour du projet de création du cordon dunaire impactant des parcelles privées n'a pas permis de faire aboutir le chantier de façon aussi ambitieuse que les expertises scientifiques le prévoyaient. Toutefois la collectivité, consciente des lacunes du projet, a facilité le compromis. Elle a agit pour avancer dans un temps contraint règlementairement et dans un soucis d'adaptation aux effets du changement climatique, même si la solution est temporaire. Par ailleurs, alors que le projet visait à restaurer un milieu naturel littoral, des mesures compensatoires ont néamoins dû être appliquées. Leur déploiement sera peut être lui même impacté par les suites du projet.
À Agde, un ouvrage pilote d'une quarantaine de modules immergés atténuateurs de houle, sous la forme d'une "mangrove immergée", semble être efficace. L'expérimentation réalisée dans le cadre d'un marché de recherche et développement se poursuit 
notamment par un travail sur les matériaux. La suite de l'ouvrage sera accompagnée d'un rechargement en sable. 

À Sète et à Frontignan, les deux grands chantiers ont pu être menés efficacement par la mutualisation d'une partie des opérations comme les rechargements de plage. Le lido de Sète a fait l'objet d'une combinaison de modes de gestion dont le recul d'une route très fréquentée et d'emplacements de camping. L'ouvrage immergé de Sète visant à atténuer les houles s'est avéré être efficace à la suite d'une expérimentation d'un kilomètre. Aujourd'hui, cette efficacité s'est confirmée sur 2,4 kilomètres. Le suivi a révelé un gain de largeur de plage sans effets pervers. Toutefois, cet ouvrage est régulièrement détérioré par la navigation anarchique sur le site malgré les mesures prises. Cela représente un surcoût important d'entretien annuel, aux 5,3 millions d'€ d'installation il faut ajouter 2,5% de l'investissement chaque année. Le dispositif "écoplage", lui, n'a pas fonctionné. Il faut donc être prudents sur le déploiement de techniques innovantes, et bien faire réaliser des études indépendantes car ce qui fonctionne à un endroit ne fonctionne pas forcément ailleurs.

À Frontignan, après la suppression de restaurants et d'un parking installés sur la plage, le choix de la reconstitution d'un cordon de galets a été fait dans un secteur particulièrement sensible au recul du trait de côte. 

À Perpignan Méditerranée Métropole, une expérimentation a pu être déployée grâce à une bonne coordination entre les services de l'État et la collectivité. C'est la solution technique en elle même, des filets immergés, qui n'a pas fonctionné sur le site de Sainte-Marie-la-Mer. Par contre les opérations de restauration dunaire généralisées sur l'ensemble des cordons des communes littorales ont efficacement permis de retrouver les fonctions protectrices de ces espaces naturels.

Sur la commune de Torreilles, le projet d'adaptation a été plus loin par le recul d'un stationnement positionné sur le système dunaire, en complément de travaux de gestion de fréquentation. Cette gestion a permis de constater rapidement une amélioration de la qualité écologique et morphologique du milieu. 

À l'heure du bilan, on ouvre les réflexions sur la poursuite de démarches intégrées :

À Vias, les campings volontaires dans la démarche d'adaptation ne peuvent pas exploiter les parcelles qu'ils avaient achetées plus en arrière pour reculer leur activité. Les zones littorales sont bien souvent contraintes sur plusieurs plans, et notamment en cas de conjonction d'aléa submersion marine, érosion côtière et inondation fluviale. La collectivité mène aujourd'hui de front des opérations de travaux à court terme et des réflexions sur l'adaptation à plus long terme

À Sète et à Frontignan, un Programme Partenarial d'Aménagement "trait de côte" a été signé entre les collectivités et l'État. L'objectif est de recomposer le territoire vulnérable ; c'est à dire réaménager l'occupation du sol et ses vocations afin de faire face aux effets du changement climatique de manière la plus résiliente possible. L'heure est aujourd'hui aux études pré-opérationelles notamment pour travailler sur les réserves foncières. 

En Roussillon, les partenaires de la côte sableuse catalane déjà fédérés au sein de l'ObsCat se sont engagés dans la préfiguration d'une stratégie d'adaptation aux effets du changement climatique

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Les discussions de conclusion ont mis en évidence le rôle de l'ensemble des collectivités. Les communes littorales ou retro-littorales doivent être impliquées dans la réfléxion sur l'adaptation des territoires côtiers. La préservation du littoral est la question de tous, et pas seulement des élus littoraux. Les stratégies d'adaptation au changement climatique doivent prendre en compte une multitude d'acteurs et une multitude de thématiques pour garantir la résilience des territoires. C'est d'ailleurs l'objectif du Plan Littoral 21 par un accompagnement technique et financer des collectivités inclu dans le plan d'actions régional

Atténuer les vulnérabilités passe également par les solutions fondées sur la nature (zones humides, lagunes, cordons dunaires) ; les espaces naturels littoraux sont des atténuateurs naturels des effets du changement climatique.

Le rôle des compagnies d'assurance est également un sujet récurrent sur lequel les acteurs souhaitent travailler. Aujourd'hui, les premiers refus d'assurer des biens en zone vulnérable peuvent être des déclencheurs de désartificialisation de certaines zones littorales.

Sur ces questions d'adaptation, l'État a mis en place des dispositifs pour aider les collectivités à agir sur les enjeux les plus exposés, c'est le cas des campings littoraux qui ont fait l'objet d'un appel à manifestation d'intérêt. En parrallèle, les documents cadres à l'échelle nationale et régionale sont en cours de mise à jour. 

Ce séminaire fait partie d'une série d'évènements permettant de fédérer les acteurs du littoral à l'échelle locale et régionale. Il constitue un point d'étape en matière d'échange de connaissances au sein d'une démarche plus large impulsée par les collectivités locales et le Plan Littoral 21. Une véritable communauté de pratiques s'est constituée et permet de valoriser l'intelligence collective en matière d'adaptation.      

Le support de présentation est disponible en ligne sur le site de l'ObsCat. 

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Remerciements : Perpignan Méditerranée Métropole, Ville de Leucate, Communauté de Communes Sud Roussillon, Communauté de Communes Albères Côte Vermeille Illibéris, Ville du Barcarès, Ville de Torreilles, Ville de Sainte-Marie-la-Mer, Ville de Canet-en-Roussillon, Ville d’Elne, Ville d'Argelès-sur-Mer, BRGM, Université de Perpignan Via Domitia, EID-Méditerranée, Parc naturel marin du golfe du Lion, Région Occitanie, Préfecture de Région Occitanie, DREAL Occitanie, DDTM 66, Conseil Départemental des Pyrénées-Orientales, Agence de l’Eau RMC, Agence d’urbanisme catalane. 

Evènement organisé avec le concours financier de l'Agence de l'Eau RMC.  

Crédits photos : Aurca et PMM