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Qu'est ce que le "trait de côte" ?
Le terme "trait de côte" est beaucoup employé dans les médias. Cet article propose d'expliquer les subtilités de cette notion.
Sa définition varie selon les usages. Sur la côte sableuse catalane, on considère que le trait de côte est la limite mouvante entre la terre et la mer. En marchant sur une plage, on peut le tracer en dessinant la limite entre le sable sec et le sable mouillé. Lorsque la mer est agitée, on peut le délimiter sur le flux et reflux des vagues. On parle aussi de limite du "jet de rive" en Méditerranée. Sur les côtes à marées (sur la façade atlantique par exemple) on délimite le trait de côte à marée haute et donc en pied de dune ou en pied de falaise. Ci-dessous un exemple de positionnement du trait de côte à Torreilles et Sainte-Marie.
Sur les côtes sableuses la position du trait de côte bouge naturellement. Quand on observe un retrait de cette limite terre/mer vers la terre on dit que le trait de côte "recule" (cf illustration ci-dessous).
A l'inverse, on parle d'avancée du trait de côte quand il progresse vers la mer. Plus le trait de côte recule, plus les plages émergées sont étroites et inversement.
On peut observer des mouvements de trait de côte d'un jour à l'autre sur une même plage suivant les conditions de mer. Il s'agit d'une dynamique naturelle influencée, à l'échelle des saisons, par le mouvement des barres d'avant côte. Les barres sont des amas sableux immergés qui se déplacent perpendiculairement à la côte, d’avant en arrière (cross-shore). Ils se rapprochent de la plage émergée ou s’en éloignent selon les conditions météo-marines. En hiver, ils reculent vers le large mais en été progressent vers la plage et l’élargissent. Leur déplacement s'effectue également le long de la côte (longshore) ce qui influence très fortement la forme du trait de côte (sinuosités). L'exemple de l'évolution de la plage du Lydia au Barcarès est bien représentatif de ces fonctionnements (carte d'évolution BRGM ci-dessous).
C’est bien ce mouvement perpétuel des barres qui contribue à faire varier la largeur de plage émergée et dessiner un trait de côte plus ou moins sinueux selon les secteurs. Le fonctionnement transversal (cross-shore) du système litttoral joue un rôle majeur dans son découpage morphologique et son évolution globale (cf. illustration des différents compartiments ci-dessous).
Le trait de côte est mesuré sur le terrain, à l'aide d'un GPS précis, mais également par photographie aérienne ou image satellite. On se sert de cet indicateur pour qualifier la tendance évolutive d'une plage à l'échelle d'une saison, d'une année, d'une décennie ou d'un siècle. L'EID a réalisé pour l'ObsCat cet exercice en se basant sur 11 ans d'images satellites (2009-2020). Les résultats révèlent un recul du trait de côte sur 69% du linéaire côtier. Sur la carte ci-dessous les points verts indiquent les plages où le trait de côte est stable (naturellement ou artificiellement), et parfois en avancée. A l'inverse, les zones orange et rouge indiquent les plages où le trait de côte a eu tendance à reculer. Ces analyses doivent être mises à jour régulièrement, soit sur des échelles de temps plus courtes pour mettre en évidence les effets ponctuels des tempêtes par exemple, soit sur des périodes plus larges pour lisser les tendances long terme de ces phénomènes événementiels.
Le recul du trait de côte est l'un des témoins de l'érosion côtière mais il n'est pas le seul et, pris indépendamment d'autres paramètres, il peut nous tromper sur l'interprétation des tendances actuelles, passées et à venir.
Depuis le ciel on détecte bien sa position et ses mouvements d'avancée et de recul. Par contre il ne nous donne aucune information sur le stock sédimentaire d'une plage. Il nous renseigne sur la largeur de plage, ses caractéristiques en deux dimensions mais occulte la troisième dimension, c'est à dire l'épaisseur de la plage, le volume de sédiment présent sur la plage.
Il existe des plages larges mais basses et dépourvues de stock sableux sous-marin, elles sont ainsi très sensibles aux risques d'érosion et de submersion marine (illustration ci-contre).
A l'inverse, une plage sera moins exposée si elle fait partie d'un système sableux bien constitué avec des stocks sableux conséquents en mer (barres d'avant-côte) et à terre (plage émergée et cordon dunaire).
Pourtant, vues du ciel, ces deux plages semblent identiques par la position de leur trait de côte.
En zone urbaine, le long des fronts de mer de nos stations balnéaires, les plages sont bien souvent remaniées avant l'été pour garantir une surface suffisante pour l'accueil touristique. Parfois même, le trait de côte de ces plages est artificiellement fixé pour minimiser ses variations. Ainsi, ces plages deviennent "stables" au regard de l'indicateur "trait de côte", ce qui ne signifie pas qu'elles ne subissent pas d'érosion, c'est à dire un déficit sédimentaire.
En somme, cet indicateur est une bonne porte d'entrée pour répondre aux besoins de gestion des surfaces de plage. Il permet d'entamer des réflexions prospectives mais il est insuffisant pour prévoir le réaménagement concret des zones urbaines littorales. Le terme "gestion du trait de côte" est très réducteur car ce n'est pas seulement "une ligne" qu'il faut stabiliser.
Des exercices de modélisation sont possibles dans ce but, pouvant intégrer la mobilité du trait de côte mais également l'évolution des stocks sableux immergés, l'altitude des reliefs dunaires, la pente de la plage, la granulométrie des sédiments, la force et l'orientation de la houle dominante, etc. Ces modélisations sont plus ou moins complexes suivant le nombre de paramètres pris en compte. Elles peuvent servir d'aide à l'aménagement du littoral qui doit être pensé à l'échelle de la "bande côtière", de l'unité sédimentaire ou d'un territoire de projet comme défini dans les Schémas de COhérence Territoriaux.
Vous pouvez visionner quelques explications complémentaires sur le trait de côte et l'évolution des modes de gestion sur la chaîne YouTube de l'OFB : https://www.youtube.com/watch?v=L5ErFBTmh84